
Les flambées de maladies évitables par la vaccination : bien trop fréquentes et trop coûteuses
D’Abuja à Atlanta, les récentes flambées de maladies infectieuses ont trop souvent fait la une des journaux. Dans ce numéro spécial consacré aux flambées de maladies évitables par la vaccination, l’équipe VoICE va au-delà des gros titres et se penche sur les détails. Nous vous présentons un aperçu, étayé par des données probantes, des flambées de maladies infectieuses évitables par la vaccination à travers le monde, en mettant en particulier l’accent sur les circonstances qui augmentent la probabilité d’une flambée, les conséquences sanitaires et économiques moins évidentes et une liste des cinq meilleures stratégies de prévention et de préparation aux flambées.
Messages clés
- Les flambées de maladies infectieuses peuvent survenir n’importe où et avoir des répercussions importantes, souvent masquées, sur la société, la santé et l’économie.
- Une grande partie des récentes flambées de maladies infectieuses concernent des maladies évitables par la vaccination.
- La probabilité ou la gravité d’une flambée est accrue par des facteurs tels qu’une faible couverture vaccinale, la surpopulation, de mauvaises conditions sanitaires, la malnutrition et la mobilité humaine.
- La prévention et la préparation aux flambées doivent être systématiquement intégrées aux systèmes de santé et des secteurs spécifiques doivent être renforcés d’urgence pour inclure des travailleurs sanitaires vaccinés, des communications sanitaires simplifiées et des systèmes de surveillance prêts à fonctionner.
Introduction
Des flambées de maladies se produisent dans presque toutes les régions du monde, de l’Amazonie reculéeà Amsterdam. Une analyse d’une base de données sur les épidémies de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a révélé qu’entre 2005 et 2014, près de 400 flambées de maladies infectieuses (à l’exclusion de la rougeole) ont été signalées à l’OMS. Près de 40 % de ces flambées étaient attribuables à des maladies évitables par la vaccination (MEV), la fièvre jaune, la poliomyélite, la méningococcie et le choléra représentant 9/10e des flambées attribuables à des MEV. La proportion de flambées causées par des MEV a atteint jusqu’à 70 % dans la région africaine. L’omniprésence des flambées de maladies dans le monde témoigne de l’éventail de facteurs complexes qui contribuent aux flambées de diverses maladies infectieuses, mais il existe certaines combinaisons de facteurs qui peuvent facilement déclencher une flambée aux proportions épidémiques.
Flambée, épidémie ou pandémie ?
Un feu qui couve :
les circonstances qui augmentent les risques de flambées
Plusieurs éléments influent sur la probabilité et la gravité d’une flambée de maladie infectieuse. Il s’agit notamment des facteurs suivants :
- L’agent pathogène – aspects propres à l’agent pathogène (virus ou bactérie), comme la façon dont il se transmet d’une personne à l’autre, sa contagiosité, la période d’incubation précédant l’apparition des symptômes, la gravité de l’infection et la probabilité qu’elle entraîne des décès.
- La population – facteurs jouant sur l’état de santé de la population à risque, y compris la proportion de personnes vaccinées, sous-alimentées ou vivant dans des conditions sous-optimales telles que le surpeuplement, et la façon dont les populations se déplacent à petite ou grande échelle spatiale.
- L’environnement – désigne généralement les facteurs environnementaux qui influent sur la propagation des maladies, tels que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, l’accès aux soins de santé, les normes sociales et les pratiques culturelles (par exemple, dans le cas du virus Ebola, où les pratiques traditionnelles d’enterrement mettent les personnes en contact avec des fluides corporels infectés qui transmettent le virus).
Figure 1 : Facteurs liés à l’agent pathogène, à la population et à l’environnement susceptibles de déclencher une flambée de maladie infectieuse
Une flambée peut se déclencher avec seulement quelques-uns des facteurs décrits ci-dessus, comme dans le cas de la rougeole ou de la coqueluche – deux agents pathogènes hautement contagieux qui peuvent rapidement tirer parti des lacunes dans la couverture vaccinale. Dans d’autres circonstances, des parties des trois éléments (agent pathogène, population et environnement) sont présentes et créent les conditions parfaites pour déclencher une flambée.
Des fissures dans le pare-feu vaccinal
Un solide pare-feu créé par une couverture vaccinale comportant très peu de lacunes est nécessaire pour protéger les populations contre les flambées d’infections hautement transmissibles et contagieuses, telles que la rougeole ou la coqueluche, qui peuvent se propager rapidement et loin. Une infection comme la rougeole est si contagieuse que presque toutes les personnes sensibles qui sont exposées seront infectées, ce qui signifie qu’il faut protéger environ 95 % d’une communauté pour arrêter la transmission du virus de la rougeole. Ajoutez à cela le fait que la contagiosité survient avant l’éruption cutanée révélatrice (et très souvent avant que quiconque ne sache ce qui cause la maladie), et vous comprenez comment ces deux facteurs liés à l’agent pathogène provoquent à eux seuls l’explosion de certaines flambées. Dans une communauté où la couverture vaccinale est inférieure à 95 %, l’exposition au virus d’une seule personne non immunisée constitue l’étincelle unique nécessaire pour déclencher une flambée qui consume rapidement une communauté de personnes peu ou pas immunisées. Le lien entre la rougeole et la faible couverture vaccinale est si fort que certains chercheurs décrivent les flambées de rougeole comme un « canari dans une mine de charbon » qui met en lumière les faiblesses programmatiques de la couverture vaccinale dans les endroits où les données sur la couverture vaccinale sont minces ou peu fiables.
Figure 2 : Facteurs contribuant aux flambées de rougeole
Le pare-feu pour une maladie comme Ebola doit être tout aussi solide, mais pour des raisons différentes. Le virus Ebola n’est pas très contagieux par rapport à d’autres infections, mais présente un risque de décès excessivement élevé – jusqu’à 70 % avec certaines souches. (Un visuel animé du Washington Post sur le risque relatif de contagiosité et de mortalité de différentes maladies.) Il est impossible de prédire quand et où exactement la maladie apparaîtra (voir « Le cas du virus Ebola, une infection zoonotique » ci-dessous) et aucun vaccin contre la maladie n’a encore été approuvé. C’est pourquoi, les mesures de lutte contre l’épidémie d’Ebola, y compris les efforts importants pour trouver les personnes qui ont été exposées, doivent être rapides et généralisées. Un vaccin expérimental contre le virus Ebola est utilisé dans le cadre d’une stratégie de vaccination « en anneau » pour vacciner toutes les personnes qui sont entrées en contact avec une personne atteinte de la maladie, et s’avéré être efficace à près de 100 % pour prévenir l’infection, s’il est administré suffisamment tôt après l’exposition. En raison de lacunes dans cet anneau de vaccination, la maladie mortelle peut continuer à se propager.
Situations d’urgence complexes
Les événements sociopolitiques mondiaux, y compris les conflits armés et d’autres situations d’urgence humanitaire complexes, peuvent entraîner un ensemble de circonstances hautement inflammables – une « boîte d’allumettes » contenant presque tous les facteurs démographiques et environnementaux, qui peuvent facilement déclencher une flambée importante. Dans une étude sur le chevauchement entre les situations d’urgence humanitaire complexes et les flambées de maladies, des chercheurs ont constaté que plus de 40 % des situations d’urgence complexes survenues entre 2005 et 2014 étaient associées à une flambée de maladies infectieuses, avec une forte probabilité que la flambée soit évitable par la vaccination.
La migration massive de personnes qui résulte souvent de situations d’urgence humanitaire complexes peut déclencher une « cascade de facteurs de risque », qui comprend la diminution de la couverture vaccinale, la sous-alimentation, le surpeuplement et de mauvaises conditions sanitaires, augmentant considérablement le risque d’une flambée avec chaque facteur en cascade qui vient s’ajouter.
Lorsque les conditions environnementales sont mauvaises et que d’importants facteurs liés aux pathogènes sont présents, la plus petite étincelle suffit à déclencher une flambée, comme c’est souvent le cas pour le choléra. La bactérie responsable du choléra ((Vibrio cholera), une maladie diarrhéique hautement contagieuse, peut être rapidement transmise à un grand nombre de personnes par l’eau contaminée dans des environnements surpeuplés et peu dotés en ressources, tels que les bidonvilles urbains ou les camps de réfugiés qui ont un accès limité à l’eau potable et à l’assainissement. Les pluies contribuent à répandre l’eau contaminée, favorisant ainsi la flambée. Des facteurs démographiques tels que la dénutrition aggravent encore davantage la maladie. Les personnes sous-alimentées courent un plus grand risque de contracter une infection grave provoquée par le choléra et de mourir de cette infection.
Figure 3 : Facteurs contribuant aux flambées de choléra
Le cas du virus Ebola, une infection zoonotique
La plupart des flambées évitables par la vaccination sont dues à des agents pathogènes qui circulent constamment chez les humains, provoquant des pics de maladies lorsque les conditions de vie de la population et les conditions environnementales le permettent. Ebola, cependant, est une infection zoonotique, ce qui signifie que le réservoir normal pour l’agent pathogène se trouve chez les animaux, très probablement les chauves-souris. Les flambées d’Ebola chez l’homme sont déclenchées lorsque des personnes entrent en contact avec des animaux infectés (par exemple par la consommation de viande de brousse venant de primates infectés), tombent malades puis transmettent le virus à d’autres hommes, parmi lesquels il se propage jusqu’à ce qu’il puisse être contenu.
Il est donc très difficile de prévoir quand et où le virus frappera et déclenchera une flambée, ce qui complique considérablement la planification, le contrôle et l’atténuation de l’impact des flambées. Selon l’USAID, le virus Ebola est l’une des nombreuses maladies d’origine zoonotique qui pourrait déclencher une pandémie mondiale.
Répercussions des flambées évitables par la vaccination
Bien que les flambées de rougeole et d’Ebola aient été largement couvertes par les médias, les répercussions importantes – et parfois à long terme – sur la santé et l’économie qui accompagnent les flambées de ces maladies et d’autres maladies n’ont pas autant attiré l’attention.
Répercussions sur les systèmes de santé
Par définition, une flambée est la survenue d’une maladie au sein d’une population qui dépasse les niveaux attendus. Bien que des plans d’urgence puissent être mis en place pour faire face à une flambée, le personnel de santé, les financements, les fournitures médicales et d’autres ressources sont souvent détournés vers la lutte contre la flambée, ce qui affaiblit la prestation d’autres services de santé. En 2007 au Burkina Faso, par exemple, une épidémie de méningite a perturbé les services de santé à tous les niveaux. Les répercussions sur toutes les personnes cherchant à obtenir des soins de santé ont inclus des temps d’attente plus longs, des délais accrus pour obtenir les résultats des tests de laboratoire, un stress plus élevé chez les soignants et une augmentation du nombre de diagnostics erronés posés par des travailleurs sanitaires (TS) débordés.
Répercussions pour les travailleurs sanitaires
En réalité, le fardeau imposé aux travailleurs sanitaires va au-delà de l’épuisement et des effets de telles conditions de travail sur la santé mentale. Les travailleurs sanitaires eux-mêmes courent un risque important d’être victimes d’une flambée de maladie infectieuse et de transmettre l’infection à d’autres personnes, en particulier avant que l’agent infectieux n’ait été identifié. Les TS peuvent représenter une part importante des cas de maladie. Une étude récente utilisant des données provenant de précédentes flambées d’Ebola en Guinée et au Nigéria a révélé que (si un vaccin pleinement efficace avait été disponible au moment de ces flambées) la vaccination prophylactique des travailleurs sanitaires aurait permis de réduire de 60 à 80 % l’ampleur des épidémies d’Ebola dans ces pays. Aux États-Unis, des chercheurs ont estimé que la vaccination complète des travailleurs sanitaires permettrait d’éviter plus de 45 % des expositions à la coqueluche qui surviennent dans les milieux de soins de santé. Ce ne sont là que deux des nombreux exemples illustrant le fardeau disproportionné des cas de maladie chez les travailleurs sanitaires, qui mettent tous en avant des lacunes considérables dans la couverture vaccinale chez les personnes qui présentent un risque personnel significativement accru et le risque d’en infecter d’autres. (Pour en savoir plus sur les recommandations de l’OMS concernant la vaccination des travailleurs sanitaires.)
Répercussions de toutes sortes : la tempête Ebola
Des flambées de maladies infectieuses exceptionnellement mortelles comme Ebola peuvent causer une cascade d’événements touchant chaque personne et chaque secteur d’une communauté et représenter ainsi une tempête mêlant simultanément toutes les répercussions potentielles d’une flambée. Huber et al ont décrit les effets dévastateurs et de grande portée de la flambée d’Ebola de 2014 en Afrique de l’Ouest, y compris l’insécurité alimentaire qui a touché plus d’un demi-million de personnes, la fermeture d’écoles pendant plus de sept mois, des dizaines de milliers d’enfants orphelins, une énorme partie du personnel de santé tué par la maladie, des décès de nourrissons, de mères et d’enfants dus au manque de personnel de santé qualifié et une réduction de 97 % de la capacité chirurgicale, pour n’en citer que quelques-uns. Une deuxième étude a prédit que le coup de frein porté aux programmes de vaccination résultant de la flambée d’Ebola pourrait multiplier par deux le nombre de personnes risquant de contracter la rougeole, tuant en fin de compte presque autant de personnes que le virus Ebola lui-même.

Répercussions économiques : coûts des flambées
Aux coûts secondaires pour la santé et la société engendrés par les flambées de maladies infectieuses viennent s’ajouter les répercussions monétaires et économiques réelles, qui sont importantes même lors d’une flambée relativement restreinte et rapidement circonscrite. Plus une flambée est importante et longue, plus ses impacts macroéconomiques sur la productivité, sur les pertes à l’importation et à l’exportation et sur la réduction des recettes touristiques et de la consommation sont importants.
Du choléra à la rougeole en passant par le virus Ebola, les économistes de la santé ont publié plusieurs études sur l’impact économique des flambées, couvrant les coûts directs de la gestion des flambées mais aussi le ralentissement de la croissance économique nationale à la suite des flambées. Les coûts directs pour les systèmes de santé comprennent les coûts d’enquête sur les flambées tels que le personnel, les fournitures, les frais de déplacement pour trouver les personnes exposées à l’infection et les efforts de confinement des flambées, y compris les coûts de vaccination ou de traitement prophylactique pour les personnes exposées. Les coûts pour les familles qui demandent un traitement peuvent être importants et avoir des conséquences économiques à long terme. Les pertes de productivité et la réduction de la consommation et des recettes touchent directement les pays frappés par les flambées, mais les mouvements des importations et des exportations à l’échelle internationale peuvent avoir des répercussions économiques sur d’autres pays, même s’ils ne sont pas directement touchés par la flambée. Les cas suivants mentionnent quelques-unes des répercussions économiques :
- Une flambée de rougeole ayant entraîné trois cas dans l’Iowa (États-Unis) en 2004 a coûté au Département d’État de la santé publique plus de 140 000 dollars en coûts directs sur une période de deux mois pour contenir et gérer la flambée.
- Deux flambées de méningite à méningocoque au Brésil ont entraîné des coûts directs de 128 000 dollars (9 cas, 2007) et de 34 000 dollars (3 cas, 2011) pour le système de santé.
- En 2007, une épidémie de méningite bactérienne au Burkina Faso a coûté 7,1 millions de dollars au système de santé, soit près de 2 % du budget annuel de la santé de ce petit pays africain.
- Une flambée de rougeole en 2014 en Micronésie a coûté environ 4 millions de dollars en coûts directs, en perte de productivité des soignants et en dépenses importantes de confinement de la flambée. Ce montant est égal à l’ensemble du budget annuel de l’éducation dans cette petite nation insulaire.
- Une étude du fardeau économique du choléra en Afrique a constaté que 110 000 cas de choléra signalés pour la seule année 2007 avaient entraîné des pertes économiques pour le continent de 43,3 millions de dollars, 60 millions de dollars et 72,7 millions de dollars, en supposant une espérance de vie de 40, 53 et 73 ans respectivement.
- Une étude sur une flambée de choléra au Pérou en 1991-1992 estime de manière prudente que l’économie nationale a subi plus de 50 millions de dollars de pertes économiques en raison de la baisse des recettes touristiques, de la baisse des recettes d’exportation de biens et de la baisse de la consommation intérieure résultant de la flamée de choléra.
- Les chercheurs ont estimé l’impact d’une hypothétique épidémie multinationale sur les exportations américaines et indiquent qu’une épidémie généralisée touchant neuf pays asiatiques pourrait réduire les exportations américaines de 8 à 41 milliards de dollars et mettre en péril plus d’un million d’emplois américains liés aux exportations.
- Suite à une comptabilisation exhaustive des coûts de la flambée d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014, Huber et al. estiment que les coûts économiques et sociaux se sont élevés à 53 milliards de dollars, dont 18,8 milliards ont été attribués à des décès non dus à Ebola.
Prévention et préparation aux flambées
La prévention, l’atténuation et le contrôle des flambées de maladies infectieuses deviennent de plus en plus urgents, alors que le nombre de maladies émergentes augmente, que les populations sont plus mobiles et que les économies sont extrêmement tendues. La lutte contre les flambées de maladies infectieuses doit être une priorité politique de premier plan, exigeant d’investir dans un soutien financier et une volonté politique. Mais des investissements dans quoi exactement ?
Il n’est pas surprenant que la vaccination figure en bonne place dans notre liste des cinq principaux investissements qui doivent être faits pour mieux prévenir et se préparer aux flambées de maladies infectieuses. Ce qui peut être surprenant, c’est que le financement, l’achat et la livraison de vaccins à la population générale ne représentent qu’une seule des mesures nécessaires pour faire en sorte que le potentiel de la vaccination puisse être pleinement exploité en aidant à prévenir, à atténuer et à contrôler les flambées. Des plans de préparation clairs et réalisables, des systèmes de santé robustes avec un accès accru aux soins de santé et des investissements nettement supérieurs dans la surveillance des maladies et la communication en matière de santé complètent notre liste.
CINQ PRINCIPAUX INVESTISSEMENTS DANS LA PRÉVENTION ET LA PRÉPARATION AUX FLAMBÉES
1. Investissement dans les systèmes de santé, y compris la vaccination systématique
La capacité d’un pays à prévenir, détecter et réagir aux flambées est liée à la solidité et aux capacités de son système de santé dans son ensemble. Ainsi, un cadre multipartites de préparation aux flambées établi en 2018 comprend le renforcement des capacité générales du système de santé publique en tant que premier des quatre piliers de la prévention des grandes épidémies et pandémies de maladies.
Les systèmes de santé nationaux et infranationaux soutenus par des niveaux de financement recommandés, des priorités politiques élevées et des processus de planification stratégique qui comprennent l’intégration de la préparation aux situations d’urgence et des opérations quotidiennes des systèmes de santé sont plus résistants aux urgences telles que les flambées de maladies et peuvent se rétablir plus rapidement. Une consultation menée en 2016 par l’OMS auprès de pays de la région africaine a révélé que les systèmes de santé et les structures liées à la sécurité sanitaire fonctionnaient indépendamment les uns des autres, mais qu’il existait un fort soutien en faveur de l’intégration de la prévention et de la préparation aux situations d’urgence dans les systèmes de santé en général.
Étant donné la forte proportion de flambées due à des maladies infectieuses évitables par la vaccination, la vaccination joue un rôle particulièrement important dans la prévention des flambées de maladies et est donc essentielle à la prévention et à la préparation aux situations d’urgence.
2. Vaccination complète des agents sanitaires
Une forte couverture vaccinale de routine est un pare-feu essentiel pour prévenir les flambées, et la vaccination des travailleurs sanitaires est particulièrement capitale pour minimiser la propagation d’une flambée émergente. Plusieurs études ont démontré le retour sur investissement important que générerait la pleine vaccination des travailleurs sanitaires, étant donné que ces derniers représentent souvent un nombre disproportionné de cas de maladie. Dans l’étude américaine sur la prévention de la propagation de la coqueluche mentionnée ci-dessus, le rendement financier de la vaccination des travailleurs sanitaires dans les hôpitaux a été estimé à près de deux fois et demie le coût investi. Une étude similaire sur le vaccin anticoquelucheux et les travailleurs sanitaires aux Pays-Bas a estimé que le retour sur investissement était quatre fois plus élevé que le coût initial.
3. Plan de préparation réalisable
Malgré des preuves solides indiquant que la prévention et la préparation offrent un retour sur investissement important, comparé aux coûts d’une flambée de maladie non maîtrisée, entre 2016 et 2018, seul un tiers des pays avaient évalué leur propre capacité à prévenir, détecter et contrôler les flambées de maladies.[1] Ce nombre est maintenant passé à un peu moins de la moitié, mais près de 80 % des pays ayant réalisé une évaluation de préparation ne sont pas du tout préparés à une flambée de maladie, ou ne le sont qu’en partie.[1] Les experts font valoir que le cycle de panique et de négligence face à la préparation aux flambées de maladies constitue une crise d’envergure mondiale et que ce cycle ne peut être rompu que par la mise en œuvre et le suivi de plans de préparation concrets.
4. Communications en matière de santé publique
À la suite des récents épisodes mondiaux de maladies comme Ebola et le SRAS, qui ont déclenché une panique mondiale au sujet des flambées et de leurs conséquences, on reconnaît de plus en plus l’importance d’une communication cohérente, claire et culturellement sensible avec le public au sujet des questions de santé. Toutefois, les investissements en argent et en temps dans ce domaine restent en deçà des besoins. Les Lignes directrices de l’OMS sur la communication lors des flambées de maladies mettent l’accent non seulement sur ce qui doit être fait pour communiquer pendant une flambée de maladie, mais aussi sur l’importance d’instaurer et de maintenir, parmi toutes les communautés, une confiance envers les autorités nationales et sanitaires en tant que fondement des communications en matière de santé et de la recherche de soins en général. La confiance dans une base existante de communication franche et claire peut aider à éviter la panique et à accroître le respect des mesures visant à contrôler et à mettre fin aux flambées de maladies.
5. Surveillance des maladies infectieuses
On ne saurait surestimer l’importance d’une surveillance des maladies suffisamment solide pour détecter les flambées à un stade précoce. Pourtant, il s’agit d’un domaine qui est souvent mal intégré au système de santé publique dans son ensemble et qui souffre d’un sous-financement chronique. Considérés comme une capacité essentielle en matière de santé publique, les investissements dans la surveillance en ce qui concerne la détection et la lutte contre les flambées de maladies sont susceptibles d’offrir d’importants avantages pour d’autres priorités sanitaires et maladies. Par exemple, les systèmes de dépistage de la poliomyélite en Amérique ont été exploités pour mieux détecter la rougeole et la rubéole. De même, une expérience de laboratoire en matière de surveillance de la rougeole et de la rubéole a permis la détection précoce du virus de la grippe H1N1 et la mise en place d’une réponse au Mexique en 2009.
En résumé, les spécificités de la stratégie de mise en œuvre de chacune de ces actions varient selon le type de flambée. Par exemple, la stratégie actuelle de vaccination contre le virus Ebola consiste à trouver et à vacciner toutes les personnes qui ont été en contact avec une personne atteinte de la maladie (et tous les contacts de ces contacts) pour former un « cercle » d’immunité autour des cas de maladie. En revanche, les vaccins contre la rougeole et la coqueluche sont recommandés pour tous les enfants dans le monde pendant la petite enfance. Malgré ces différences dans l’approche spécifique requise, chacun de ces cinq domaines est essentiel pour atténuer l’impact immédiat et les répercussions secondaires de toutes les flambées de maladies futures.
[1] Jonas, Katz, et al. Call for independent monitoring of disease outbreak preparedness. BMJ. 2018;361:k2269 doi: 10.1136/bmj.k2269
Commentaire de la rédaction
« Nous assistons à une augmentation apparente de l’ampleur et de la fréquence des flambées dues à des maladies évitables par la vaccination, comme décrit adroitement dans ce numéro spécial de VoICE. De telles flambées de maladies sont, par définition, évitables et donc tragiques, entraînant des décès inutiles, d’innombrables handicaps, une perte de productivité et des coûts économiques. Nous devons faire mieux. Nous demandons aux décideurs, aux dirigeants communautaires et à la communauté mondiale de la santé publique d’améliorer les systèmes de surveillance afin de détecter les flambées de maladies le plus tôt possible, d’améliorer la couverture vaccinale pour s’assurer que tous les enfants sont correctement vaccinés et de communiquer efficacement sur les avantages de la vaccination, afin de rétablir la confiance dans la santé publique. Nous serons confrontés à de nouvelles menaces de maladies infectieuses. Nous devons lutter contre les maladies pour lesquelles nous disposons déjà de vaccins sûrs et efficaces afin d’être mieux préparés à faire face aux maladies émergentes. »
William Moss, MD, MPH
Directeur exécutif par intérim, International Vaccine Access Center
William Moss, M.D., M.P.H., est directeur exécutif par intérim de l’International Vaccine Access Center (IVAC) à la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, un pédiatre et spécialiste des maladies infectieuses qui a consacré les trois dernières décennies à améliorer la vie des enfants grâce à un meilleur traitement et à une meilleure prévention des maladies infectieuses. Le Dr Moss a apporté d’importantes contributions dans de nombreux domaines, y compris le VIH, le paludisme, les situations d’urgence humanitaire complexes et surtout la rougeole, pour laquelle il est membre du Groupe de travail d’experts sur la rougeole et la rubéole de l’Organisation mondiale de la Santé.